Notre cabinet d’avocat fiscaliste a assisté un client qui a fait l’objet une proposition de rectification :
- par son expert-comptable en dehors du délai de notification ;
- par courrier recommandé mais retourné au Service avec la mention « Pli avisé et non
réclamé dans le délai de notification ;
- et par courriel à notre client dans le délai de notification.
Nous avons obtenu devant la CAA de Paris un dégrèvement total de la proposition de rectification demandé par l’administration fiscale étant donné que les règles de la notification de la proposition de la rectification n’avaient pas été pleinement respectées.
Nous rappelons ci-après les principes applicables pour la notification d'une proposition de rectification :
1. La notification de la proposition de rectification effectuée à son expert-comptable
D’une manière générale, l’article L169 du livre des Procédures Fiscales prévoit que le droit de reprise de l'administration au regard de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés et des taxes assimilées peut s'exercer jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.
Ces dispositions doivent se combiner avec les principes liés à la représentation par un tiers.
Plus précisément, les actes de la procédure d'imposition (telle que la proposition de rectification) doivent, en principe, être adressés au contribuable lui-même. Mais celui-ci peut nommer un mandataire pour l'assister dans ses relations avec l'administration pendant le contrôle. Dans ce cas, la désignation du destinataire des actes de procédure dépend de la portée du mandat.
Les conditions de validité des notifications des actes de procédure, dans le cas où le contribuable a désigné un mandataire, s'appliquent tant à la procédure de rectification contradictoire qu'à celle d'imposition d'office.
Sauf stipulation contraire, le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable, personne physique ou morale, pour recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition et y répondre emporte élection de domicile auprès de ce mandataire. Par suite, lorsqu'un tel mandat a été porté à la connaissance du service en charge de la procédure d'imposition, celui-ci est, en principe, tenu d'adresser au mandataire l'ensemble des actes de cette procédure et notamment, selon le cas, la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable visées à l'article L 57 du LPF ou la notification des éléments servant au calcul des impositions d'office visée à l'article L 76 du LPF.
Toutefois, l'expédition de tout ou partie des actes de la procédure d'imposition au domicile ou au siège du contribuable est réputée régulière et fait courir les délais de réponse à ces actes s'il est établi que le pli de notification a été effectivement retiré par le contribuable ou l'un de ses préposés. En revanche, lorsque le pli est retourné par le service des postes à l'administration fiscale, faute d'avoir été retiré dans le délai imparti, il appartient à celle-ci de procéder à une nouvelle notification des mêmes actes au mandataire (Avis CE 23-5-2003 n° 253223, 8e et 3e s.-s., min. c/ SA imprimerie Riccobono : RJF 8-9/03 n° 1010 ; BOI-CF-IOR-10-30 n° 180, 27-2-2014)
Nous relevons que les conclusions du Commissaire du Gouvernement produites dans le cadre de l’avis du Conseil d’Etat du 23 mai 2003 sont éclairantes et rappellent les principes applicables au cas particulier pour la proposition de rectification.
« en vertu de la théorie du mandat, le Service peut notifier les actes de la procédure au mandataire
Dans le silence des textes, vous avez estimé que lorsque le contribuable avait désigné un mandataire pour le représenter dans sa relation avec l'administration fiscale, celle-ci pouvait, conformément à la théorie du mandat telle qu'elle résulte des articles 1984 à 2010 du Code civil, se contenter de notifier les actes de la procédure d'imposition au mandataire (pour une notification de redressement : CE 12 novembre 1986 n° 51147 : RJF 1/87 n° 29 et CE 12 avril 1995 n° 156059 : RJF 6/95 n° 759 ; CAA Nancy 26 octobre 1995 n° 94-638 : Dr. fisc. 16/96 c. 543).
Cette règle trouve sa source dans la jurisprudence du contentieux général. En l'absence de règles spécifiques contraires, la notification d'une décision administrative au mandataire désigné par l'administré est opposable à ce dernier et fait courir les délais de recours (CE 7 décembre 1951, Sommer : Lebon p. 579 pour une décision de rejet d'une demande indemnitaire ; CE 5 décembre 1952 sect., Desgouillon : Lebon p. 561 pour le rejet d'un recours gracieux).
mais le Service peut-il valablement continuer à s'adresser au contribuable ?
Mais cette jurisprudence ne tranche pas la question posée par la cour administrative d'appel de Marseille, qui est celle de savoir si une fois qu'un mandataire a été désigné, l'administration a l'obligation de s'adresser à celui-ci ou si elle peut valablement continuer à s'adresser au contribuable.
Seule la cour administrative d'appel de Paris a répondu à cette question en matière de procédure d'imposition. Elle a jugé que l'absence de notification de la réponse aux observations du contribuable et de la lettre de motivation des pénalités au mandataire était sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que ces courriers avaient été effectivement reçus par le contribuable (CAA Paris 3 décembre 1998 n° 96-600, Perrodo : RJF 4/99 n° 374, conclusions V. Haïm BDCF 4/99 n° 32). Elle a, par un arrêt ultérieur, précisé que l'administration n'était pas tenue d'adresser au mandataire la réponse aux observations du contribuable en l'absence d'élection expresse de domicile chez le mandataire (CAA Paris 9 décembre 1999 n° 96-4646, Dubonnet : RJF 6/00 n° 825). Par ces deux arrêts, la cour semble donc avoir distingué les obligations liées à l'existence du mandat de représentation de celles découlant de l'élection de domicile. Elle a estimé que le mandat n'imposait par lui-même aucune obligation de notification à l'administration, qui conservait le contribuable comme interlocuteur. En revanche, si le contribuable a élu domicile « ad litem » chez son mandataire, l'administration doit notifier les actes à ce dernier, mais l'irrégularité résultant du non-respect de cette obligation se trouve couverte par la réception effective des actes par le contribuable.
Cette solution nous paraît conforme à la jurisprudence et satisfaisante tant au regard des exigences de la pratique administrative que des garanties conférées à l'administré ».
Nous relevons par ailleurs qu’un arrêt de la Cour de Cassation (Cass. com. 6-12-2016 n° 15-18.718 (n° 1052 F-PB) : RJF 3/17 n° 282) a jugé que :
« Sauf stipulation contraire, lorsqu'un mandat a été donné à un conseil ou tout autre mandataire, par un contribuable, pour recevoir l'ensemble des actes de la procédure et y répondre, celui-ci emporte élection de domicile auprès de ce mandataire, de sorte que, lorsqu'un tel mandat a été porté à la connaissance du service en charge de la procédure de redressement, celui-ci est, en principe, tenu d'adresser au mandataire l'ensemble des actes de la procédure.
Toutefois, l'expédition de tout ou partie des actes de la procédure d'imposition au domicile ou au siège du contribuable est réputée régulière s'il est établi que le pli de notification a été effectivement retiré par le contribuable ou par l'un de ses préposés) ».
Il ressort de ces jurisprudences qu’une proposition de rectification doit normalement être envoyée au mandataire en cas d’élection de domicile mais qu’une irrégularité résultant du non-respect de cette obligation se trouve couverte par la réception effective des actes par le contribuable.
2. La notification de la proposition de rectification par courriel
D’une manière générale, la notification d’une proposition de rectification s’effectue normalement par voie postale. La lettre est expédiée sous pli fermé (LPF art. R 103-1) en recommandé avec avis de réception.
L'avis de réception postal permet non seulement de prouver que le contribuable a bien reçu la proposition de rectification, mais encore de déterminer le point de départ du délai de réponse du contribuable. Aussi cet avis doit-il figurer au dossier avec la copie de la proposition (D. adm. 13 L-1513 n° 15, 16, 18 et 21, 1-7-2002 ; BOI-CF-IOR-10-30 n° 60, 70, 90 et 120, 27-2-2014).
A ce propos, il a été jugé par le Conseil d’Etat qu’ « En l'absence de dispositions le lui imposant, il n'est pas fait obligation à l'administration de recourir exclusivement à l'envoi d'une proposition de rectification par lettre recommandée avec accusé de réception mais elle doit, si elle utilise d'autres voies, notamment celle d'une société de messagerie, établir la date de présentation des plis et, si le pli n'a pas été retiré, la distribution d'un avis de passage par des modes de preuve offrant des garanties équivalentes.
Dans le cas de l'acheminement par l'intermédiaire de la société Chronopost du pli contenant la proposition de rectification, l'administration apporte la preuve de la présentation du pli avant le 1er janvier par la production de l'attestation établie par cette société qui certifie la date de présentation du pli au domicile du contribuable.
Si l'attestation n'indique pas le dépôt d'un avis de passage, la réalité de ce dépôt résulte du retrait ultérieur du pli par le contribuable ». (CE 8-2-2012 n° 336125, 8e et 3e s.-s., Beladina : RJF 5/12 n° 479).
Plus précisément en ce qui concerne les courriels, nous relevons que le Tribunal Administratif de Melun a jugé que « Dans le cas d’espèce, la proposition de rectification avait été notifiée par le biais d’une application informatique de l’administration fiscale dénommée « Escale » (échanges de fichiers sécurisés). Celle-ci avait adressé au contribuable un courrier électronique contenant un lien permettant de télécharger la proposition de rectification. En l’absence de contestation sur la réception du message électronique, le tribunal estime que le courriel envoyé par l’administration présente des garanties équivalentes au dépôt d’un avis de passage par la Poste. Il en déduit que la notification de la proposition de rectification est régulière même si le contribuable n’a pas téléchargé le document en cause ». (TA Melun 17-5-2018 n° 1604700 : RJF 12/18 n° 1248).
Il ressort de cette dernière affaire qu’un courriel envoyé par l’application ESCALE présente des garanties équivalentes au dépôt d’un avis de passage sous réserve que le contribuable ne conteste pas la réception du message électronique.
Or, au cas particulier, notre client n’a jamais reçu le courriel envoyé avec la proposition de rectification par le Service et il n’a jamais reconnu ce fait et le conteste totalement.
En outre, nous ne pouvons que relever que le Service n’a présenté aucune preuve permettant de déterminer le point de départ du délai de réponse du contribuable. Effectivement, le Service n’apporte pas au cas particulier la copie d’un email envoyé par l’application ESCALE ou la copie d’un courriel avec un accusé de lecture ou de réception sous réserve que cet élément présente des garanties équivalentes au dépôt d’un avis de passage par la Poste.
Dans ces circonstances, l’administration fiscale a prononcé d’office un dégrèvement du montant total de la proposition de rectification avant tout arrêt de la CAA de Paris.
Comments